Dans le cadre du projet « contrôle citoyen pour le financement du processus électoral
en RDC », l’Observatoire de la Dépense Publique a mené une deuxième analyse technique sur l’utilisation des fonds alloués au processus électoral. L’objectif global de cette analyse consiste à évaluer et rendre public les processus d’acquisition des matériels, équipements et fournitures de la CENI conformément à la Loi relative aux marchés publics.
Les aspects sur lesquels l’étude s’est appesantis sont les suivants : l’opérationnalité du système de passation des marchés publics (phases : prérequis (préparation de la consultation, l’établissement du DAO, le choix de la procédure et du type de marché, évaluation des candidatures et/ou des offres, attributions, notification et publication), Exécution (exécution technique et exécution financière) ; les différents marchés effectués ; le mode de recrutement des entrepreneurs/ fournisseurs qui ont gagné les marchés ; les coûts des matériels, équipements et fournitures ; et les coûts de services fournis.
Les constats majeurs relevés dans le cadre de cette analyse sont les suivants :
Indicateurs significatifs de marchés publics de 2014-2017
De 2014-2017, les marchés préparés par la CENI et renseignés dans le plan de passation des marchés transmis à l’ARMP et à la DGCMP sont les suivants :
•Acquisition des véhicules terrestres pour la CENI ;
•Recrutement d’un fournisseur de technologie short Message service pour envois des SMS en masse (BULK SMS) et l’acquisition des matériels informatiques avec la firme ROUTESMS ;
• Acquisition de 97 véhicules (PICK-UP) au profit de la CENI avec la société DINA INTERNATIONAL GENERAL TRADING ;
• Fourniture des Kits d’enrôlement, des cartes d’électeurs et des sources d’énergie pour la RFE par la CENI.
Il est observé qu’entre 2014 et 2017, le Parlement a voté pour les opérations électorales un budget de l’ordre de 1 517 279 706,12 USD. Le montant payé par le Gouvernement s’élève à 483 515 758,58 USD soit 31,86%. Le montant reçu et déclaré par la CENI dans ses rapports (2014-2015 ; 2015-2016 et 2016-2017) est de 652 048 940,4 USD. Entre le montant déclaré par la CENI et celui reconnu par le Ministère du budget, il s’observe un écart de 168 533 181,82 USD. Ce qui laisserait croire que la CENI a l’habitude de recevoir des fonds non engagés. Ce comportement viole l’article 103 alinéa 2 de la Loi relative au finances publique.
Les rapports d’activités de la DGCMP et l’ARMP de 2014, 2015 et 2016, renseignent que le coût global des marchés passés par la CENI entre 2014-2017 est de 421 554 451,87 USD. De ce fait, il se dégage un écart de 230 494 488,53USD par rapport aux fonds des élections électorales reçus par la CENI.
De la Transparence du processus et de publicité
De manière globale, la passation des marchés publics de la CENI, ne respecte pas le critère de transparence. L’ODEP note l’absence de publicité pour 80% des marchés passés par la CENI, ce qui annulerait en principe toutes les procédures engagées par celle-ci.
De l’élaboration d’un plan de passation des marchés
L’absence d’élaboration d’un plan de passation des marchés annuel démontre la nécessité pour cette institution d’appui à la démocratie de se doté de manière urgente d’une cellule des projets et de passation des marchés publics.
De ce fait, il est difficile à l’heure actuelle de ventiler de manière claire, le nombre de marchés publics programmés par la CENI pour une année budgétaire. L’absence d’une bonne planification en début d’année ne permet pas à la CENI d’effectuer selon la Loi relative aux marchés publics une commande publique, dont les préalables sont les suivants : « l’identification des projets, l’évaluation de l’opportunité, l’intégration des besoins dans le cadre d’une programmation budgétaire, la disponibilité des crédits, la planification des opérations de mise en concurrence, le respect des obligations de publicité et de transparence, le choix de l’offre économique la plus avantageuse ».
De l’émission d’ANO, autorisation spéciale et contrôle
Les marchés passés par la CENI reçoivent l’avis de non objection de la Direction de contrôle des marchés publics.
Cependant, le recours par la CENI de manière fréquente aux autorisations spéciales, contraire à la Loi, démontre la légèreté dans laquelle sont traitées les affaires de l’Etat et ne le met pas en confiance vis-à-vis des parties prenantes au processus électorale. Ceci ne permet pas à la CENI de choisir, sans négociation avec le candidats, l’offre économiquement la plus avantageuse, évalué sur la base de critères objectivement portés à la connaissance des candidats et exprimés en terme monétaire.
Le contrôle a priori des marchés publics, qui est assuré par l’ARMP et la DGCMP, ne permettent pas de garantir la transparence du processus de passation des marchés publics passés par la CENI. Il est à constater que même l’organe d’approbation des marchés conclus à l’issus d’un appel d’offre inter- national (le Premier Ministre) autorise l’exécution d’autant des marchés en mode spécial.
De son côté, le Parlement, l’Inspection Générale des Finances et la Cour des Comptes n’exercent pleinement leurs rôles dévolus par les différentes Lois du pays, notamment la constitution et les Lois organiques les régissant.
En plus l’Autorité de régulation des marchés publics n’a réalisé aucun audit sur les marchés de la CENI.
Du règlement des différents
Entre 2014-2017, les marchés passés par la CENI ont connu deux dossiers de différents :
• Décision de suspension provisoire n°18/15/ARMP/ CRD du 19/08/2015 du marché relatif au recrute- ment d’un fournisseur pour la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisée des données électorales ;
• Décision de lever la procédure d’attribution de marché de recrutement d’un fournisseur pour la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisées des données électorales par la CENI (décision n°23/15/ARMP/CDR du 7/09/2015).
Du choix des prestataires et fournisseurs
L’ODEP constate la persistance par la CENI des choix des fournisseurs/prestataires internationaux au détriment des locaux, qui sont recrutés unique- ment comme agents électoraux et ne bénéficiant que de peu d’avantage. Ceci ne favorise pas la création d’emploi, ne permet pas à l’Etat de bénéficier certains avantages fiscaux, notamment la perception de l’IPR par la DGI.
Conclusion et recommandations
La mise à la disposition du grand public, par le Ministère du Budget (direction de préparation et du suivi budgétaire) et des finances (direction de la reddition des comptes) la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics (CGMP) et l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP), la CENI, des rapports et autres documents relatifs à la passation des marchés témoigne la volonté du Gouvernement à l’amélioration de la transparence dans la procédure de la commande publique des équipements pour le déroulement des opérations électorales.
Toutefois, beaucoup d’effort reste à fournir pour assurer la transparence de la passation des marchés publics au niveau de la CENI. L’absence de planification des marchés publics à passer au cours de l’exercice budgétaire et de publicité du plan de passation des marchés publics (PPM), des dossiers d’appel d’offre, des certaines décisions d’attribution provisoire ou définitive des marchés publics ; le recours fréquent à des autorisations spéciales, même pour l’acquisition des véhicules, risqueraient de discréditer la CENI vis-à-vis des parties engagées au processus électoral.
Face à ce tableau sombre, l’ODEP éprouve des in- quiétudes sur le respect strict de la Loi relative aux marchés publics, par la CENI, pour les opérations électorales à venir.
Pour la transparence et une meilleure utilisation de fonds publics, l’ODEP formule les recommandations suivantes :
Au Parlement
• D’auditer la CENI sur l’utilisation des fonds alloués aux opérations électoral et d’en informer le peuple congolais ;
Au Premier Ministre
• De prendre un décret limitant l’étendu et fixant les règles des autorisations spéciales des marchés passés par la CENI. Ce qui éviteraient la complaisance dans la procédure des marchés passés par la CENI ;
A la DGCMP
• D’assurer de manière rigoureuse le respect de la procédure des marchés passés par la CENI ;
A l’ARMP
• De réaliser un audit sur les marchés passés par la CENI ;
• De publier à temps utile le PPM, le DAO, les décisions d’attribution provisoire ou définitif des marchés passés par la CENI ;
• D’assurer de manière effective, la régularité des marchés publics passés par la CENI ;
A la CENI
• De respecter à la lettre la procédure de marchés publics en RDC ;
• De publier à temps utile le PPM, le DAO, les décision d’attribution provisoire ou définitif des marchés à temps utile pour crédibiliser le processus électoral ;
• De limiter le recours intempestif à la procédure d’urgence. Car, elle empêche la concurrence et la transparence des marchés publics.
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