Dans le cadre de la mise en œuvre de sa feuille de route relative au Renforcement de la Transparence, de la participation citoyenne et du Budget participatif, le COREF/PROFIT-Congo a appuyé, au cours du mois d’octobre 2017, la Société Civile dans son activité de contrôle de l’exécution de la loi des finances 2016.
L’objectif global de cette analyse a consisté à évaluer et rendre public l’exécution de la loi de finances 2016 en recettes et en dépenses.
Sous le leadership de l’ODEP, et avec la participation du REGED, cette activité a démarré le 4 octobre 2017. Elle a commencé par un atelier d’échanges méthodologiques entre les experts conduisant cette mission et ceux du Ministère du Budget (Notamment la Direction de la Planification et du Suivi Budgétaire) et de celui des Finances (Notamment la Direction de Reddition Générale des Comptes) pour préparer la phase de collecte des données auprès des différentes régies financières ainsi que de quelques ministères sectoriels. Cette collecte des données s’est accompagnée d’un guide d’entretien sur des thèmes clés devant faire l’objet d’attention pour l’atteinte des objectifs de la Mission.
Par la suite, les 12 experts dispatchés entre les données sur les recettes et celles sur les dépenses se sont déployées, 6 jours durant, pour ramener les éléments d’informations pertinents pouvant être soumis à l’analyse.
Les résultats des recherches ont été compilés dans 6 rapports sectoriels qui eux – mêmes ont fait l’objet d’âpres franches discussions entre diverses parties prenantes (OSC, administrations étatiques et experts) pour aboutir aux constats, recommandations et conclusions contenus dans ce rapport.
L’économie de ce rapport a été présenté aux membres du Gouvernement, notamment le Ministères du Budget et des Finances, au Parlement (Commissions ECOFIN), aux partenaires techniques et financiers de la RDC et à la population congolaise, à travers une conférence de presse.
Le budget 2016 a connu un déficit de 422.107.390.889,24 FC dans son exécution
En exécution de la disposition de l’article 14 de la loi du 13 juillet 2011, la loi de finances rectificative n° 16/006 du 29 juin 2016 avait arrêté, en recettes comme en dépenses à CDF 6.694,5 milliards de FC contre 8.476,4 milliards de FC de la loi de finances initiale, soit un taux de régression de 21,0%.
Pour la Société Civile, cette importante régression de 21% démontre non seulement que le cadrage macro-économique (perspectives de croissances, taux d’inflation, taux de change moyen, et PIB) arrêté lors de l’élaboration du budget n’était pas réaliste ; mais aussi un constat de difficultés des pouvoirs publics à mobiliser plus des ressources en vue de répondre aux besoins fondamentaux de la population.
Les résultats généraux de l’exécution du budget général du pouvoir central se présentent comme suit :
- Recettes totales : CDF 4.532.445.164.008,02 ;
- Dépenses totales : CDF 4.954.552.554.897,26 ;
- Déficit : - 422.107.390.889,24.
Faible mobilisation des recettes de l’Etat
En ce qui concerne les recettes, sur des prévisions de CDF 5.497.471.597.384,00, les recettes ont été de l’ordre de CDF 4.532.445.164.008,02 soit une réalisation de 82,45%. Ces réalisations se traduisent par une moins-value globale de l’ordre de CDF 965.026.433.375,98 (17,55%).
La société civile note que toutes les Régies financière ont accusé une contre-performance dans leur mission de recouvrement des recettes budgétaires. Le niveau de mobilisation de recette par les régies financières en 2016 se présente de manière suivante :
Pour les recettes non fiscales
1. Les droits ordonnancés des recettes administratives de l’ordre de CDF 25 623 095 141 sont inférieurs aux droits liquidés évalués à CDF 297 709 572 873,87, soit un déficit de 1161,88%;
2. Les recettes administratives recouvrées de CDF 217 755 489 249,03 sont supérieures aux droits ordonnancés de CDF 25 623 095 141, soit un taux de recouvrement de 849,8% sans note de perception ;
3. Des plus-values de CDF 287.035.915.889,57 ont été réalisée sur autres recettes non fiscales (recettes de représentation diplomatique et consulaire) et dons projet.
Pour ce qui est des moins-values, la DGRAD énumère les facteurs explicatifs suivants :
- La production des imprimées de valeur et administratifs par les autres Ministères en violation du monopole accorde à l’Hôtel des monnaies ;
- La non canalisation des recettes générées par la vente des passeports et des actes consulaires et civils dans les ambassades et consulats de la RDC vers le compte général du Trésor;
- L’arrêt de la campagne de conversion des titres fonciers ainsi que celui de l’opération la récupération des biens spoliés du domaine privé de l’Etat ;
- La non rationalisation des exonérations, etc.;
Pour la Société Civile, Cela dénote un problème de conciliation et de collaboration entre les services d’assiettes et la DGRAD ; la centralisation des données entre les services provinciaux et les services centraux de la DGRAD.
Pour les recettes fiscales
En 2016, sur une prévision des recettes de l’ordre de 1 797 311 343 039,00 CDF, la DGI a réalisé 1 715 949 792 428,66 CDF soit 95,47%. La moins-value enregistrée dans la réalisation des recettes de la DGI en 2016 est évaluée à 114 753 314 015,29 CDF soit 6,38%. En comparant les prévisions aux réalisations, il se dégage une moins-value de 114 753 314 015,29 CDF soit 6,38% des recettes non réalisées.
La DGI justifie la faible réalisation des recettes projetées en 2016 par les faits suivants :
§ L’interférence de l’appareil judiciaire dans le traitement des dossiers contentieux ;
§ La non retenue de l’IPR sur l’ensemble de l’assiette imposable (émoluments, salaires, primes, collations et autres avantages) à charge des membres des institutions politiques (nationales et provinciales) ;
§ La non application de la mesure portant fiscalisation effective des engagés locaux des Missions diplomatiques et représentations des Organismes internationaux en République Démocratique du Congo ;
§ Le non accompagnement des autorités politico-administratives dans le recensement des microentreprises et le recouvrement des forfaits dus ;
§ Le volume élevé des exonérations de l’ordre de CDF 230 247 267 038,37 dont CDF 147 791 391 809,18 sur la TVA, accordées par le Gouvernement en 2016, qui ont eu un impact négatif sur la mobilisation des recettes fiscales
Pour la Société Civile toute exonération doit être justifiée par le niveau élevé de la rentabilité économique pour la collectivité nationale de tout projet éligible de sorte que tous les agents de la collectivité Nationale autres que l’Etat et l’Extérieur puissent en tirer profit. Cela nécessite une étude de faisabilité pas souvent réalisée.
Pour les recettes de douane et accise
Les recettes réalisées par la DGDA en 2016 ont été de l’ordre de 1 395 299 014,00 USD sur les assignations évaluées à 1 720 768 232,18 USD. Les dépenses fiscales dues aux exonérations accordées, à divers titres, représentent un montant de246 846 860,00 USD. Les exonérations accordées aux investissements et privilèges diplomatiques et assimilés représentent, à elles seules, 85% de l’ensemble des exonérations accordées.
Concernant les exonérations accordées aux investissements, il sied de remarquer que la part du partenariat stratégique sur la chaîne de valeur est estimée à 77,38% sur l’ensemble de ces exonérations.
De même, les exonérations accordées aux organisations internationales sur l’ensemble des privilèges diplomatiques et assimilés sont évaluées à 65%.
Les effets des exonérations, censées principalement booster la croissance économique, notamment par la création d’emplois, ne sont perceptibles sur terrain. Les Ministères de finances et du Plan doivent rationaliser l’octroi des exonérations car les promoteurs profitent de la diversité des textes pour bénéficier d’autant d’avantages pour un seul projet. L’évaluation des exonérations devraient être minutieusement suivi afin de se rassurer de leurs bénéfices.
Faible taux d’exécution des dépenses de l’Etat
Les constats de la Société Civile sont les suivants :
- Les dépenses en 2016 se sont élevées à CDF 4 954 552 554 897,26, soit 90,12% du Budget du Pouvoir Central contre CDF4 445 786 144 781,00 soit 58,6% en 2015. Il se dégage en 2016 un solde déficitaire de CDF - 344 196 589 618,88 ;
- Concernant les crédits disponibles, la Société Civile relève que les dépenses exécutées s’élèvent à CDF 4.954.552.554.897,26 par rapport aux prévisions de CDF 5.497.471.597.384,00. D’où le dégagement des crédits disponibles de l’ordre de CDF 788 327 417 414,00, soit 14,34% ;
- Le Gouvernement a dépensé plus qu’il a mobilisé, soit CDF 4.954.552.554.897,26 contre CDF 4.532.445.164.008,02.
Les dépenses courantes ont été exécutées à concurrence de CDF 4 056 974 462 914,23 sur des prévisions de CDF 4 181 930 829 161,00, soit 97,01%.
Les paiements des dépenses d’investissement de l’exercice 2016 ont été exécutés à hauteur de CDF 897 578 091 983,03 sur des prévisions de CDF 1 315 540 768 223,00, soit un taux d’exécution de 68,23%. Deux titres ont connu le dépassement, à savoir : la dette publique en capital de 197,61% et les dépenses de prestation de 130,79%.
S’agissant des dépenses par administration, la Société Civile révèle que certaines institutions de l’Etat comme la Présidence, la Primature, Vice-primature en charge de l’intérieur et sécurité, ainsi que le Senat ont consommé leur crédit en dépassement de plus de 100%, alors que celles à caractère sociale enregistrent des sous consommations et des non consommations des crédits budgétaires. C’est le cas de l’Enseignement Technique 3,08% ; Infrastructure et Travaux Publics 46,04% ; Agriculture 20,31% ; Développement rural 31,32% ; etc.
Recommandations
De ce qui précède, la société civile estime que l’exécution du budget 2016 n’a pas été conforme à la loi des finances y afférent. Elle n’a permis ni de créer des richesses ni d’améliorer les conditions sociales de la population encore moins d’être susceptible de rendre effective la décentralisation, telle que prévue par la Constitution. Elle place difficilement le pays sur la voie vers l’émergence.
Par conséquent, la société civile recommande au parlement:
- De renforcer de contrôle de l’exécution de la loi des finances en interpellant les membres du Gouvernement, des institutions et des services publics ;
- D’exploiter à bon escient le projet de Loi de Reddition de Comptes et les observations de la Cour des Comptes y relatives ;
- De poursuivre et de sanctionner des personnes impliquées dans le non-respect des procédures ;
- D’adopter la bonne exécution du budget comme critère de bonne gouvernance dans l’évaluation du Gouvernement.
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